Par une douce nuit de clair de la lune, la forêt s’éveilla pour une réunion spéciale. Autour d’un étang scintillant où flottaient des nénuphars lumineux, de nombreux animaux s’étaient rassemblés. Monsieur Éléphant et Mme Éléphante, les bondissants kangourous, les rusés renards, les élégants léopards, la gracieuse petite Louve-cervière et le majestueux Cerf formaient un grand cercle.
Le sage et vénérable M. Tapir se leva avec dignité et déclara :
« Mes chers amis, voici notre décision. Nous organiserons un concours de danse ! Cela mettra fin à la monotonie de nos longues soirées. Préparez-vous, car ce sera la plus belle fête jamais vue dans la forêt ! L’orchestre des animaux jouera pour nous, et les dames prépareront de délicieux goûters pour tout le monde. »
Dans la clairière enchantée, M. Tapir parlait sans s’arrêter. Les animaux l’écoutaient avec de grands yeux émerveillés, car sa voix douce et posée leur plaisait. Mais, entre nous, M. Tapir adorait aussi s’écouter lui-même. Il racontait avec fierté : Il était allé à Londres, oui, à la grande ville brillante ! Il savait comment faire, il en était sûr. Alors, il le répéta encore et encore, toujours avec son air important. Et chaque fois, il ajoutait, comme une promesse : « Les collations seront fournies par les dames. »
Les animaux chuchotaient entre eux : « Quel magnifique discours ! ». L’élégante et sensible Mlle Girafe essuya même une petite larme, tellement elle était émue.
Mais voilà, la jalousie rôdait. Mme Kangourou bondit aussitôt et déclara d’une voix décidée : « Ce prix me revient ! Personne ne danse mieux que moi. » Et pour prouver ses mots, elle redressa sa taille élancée, leva son menton fier et fit un saut prodigieux. La danse, était son talent, son art, sa fierté.
« Quand on parle de grâce et de rapidité, » déclara fièrement Mme Léoparde, « il y a dans mes mouvements une élégance que personne ne peut égaler. »
Pour le moment, Mme Éléphante n’avait rien dit. On disait d’elle qu’elle était « gentille, fiable et douce ». Mais lorsque ses amis se montraient méchants, ils la surnommaient avec dédain « la vieille vache maladroite ».
« Cette fois, c’est moi qui aurai le prix ! » grogna-t-elle en tapant du pied, tout en marchant vers sa grande maison nichée sous les majestueux chocolatiers.
Le lendemain matin, elle était toujours aussi déterminée à gagner. Sans perdre une minute, elle confia toutes les corvées à sa jeune belle-sœur. « J’ai bien d’autres choses à faire maintenant », déclara-t-elle d’un ton autoritaire.
Elle partit alors retrouver ses amies les grenouilles. Celles-ci passaient leurs journées à siffler des airs joyeux sous l’ombre rafraîchissante des arbres. Avec leur aide, elle commença à s’entraîner à de nouveaux pas de danse. Au début, ses mouvements étaient maladroits et désordonnés, mais à force de persévérance, elle inventa une danse magnifique. Elle sautait, tournait, montait et descendait, sans s’arrêter, de l’aube à la tombée de la nuit, et parfois même jusqu’au petit matin.
Cependant, elle avait gardé tout cela secret. C’était mieux ainsi, car si les autres animaux l’avaient vue remuer ainsi au bord de la mare, ils ne se seraient pas privés de se moquer d’elle.
Le soir du bal arriva enfin. Tout le monde était resplendissant dans ses plus belles tenues, et la table débordait de mets délicieux et de boissons rafraîchissantes. L’astucieuse Mme Renarde, avec son plus beau sourire, s’amusait à inciter les invités à manger toujours davantage.
« Oh, s’il vous plaît, prenez encore un bouquet de bananes, » dit-elle à Mme Éléphante, d’une voix mielleuse. Mme Renarde voulait que tous les autres mangent jusqu’à en avoir le ventre plein, sauf elle. Elle savait que, trop repus, ils ne pourraient plus danser, et qu’elle aurait alors toutes les chances de remporter le prix en montrant ses pas élégants.
Mais les animaux avaient deviné son stratagème. Ils la remercièrent poliment, puis lissèrent leurs tenues ou partirent s’entraîner dans un coin de la clairière.
Le bal fut un spectacle ravissant. Après que quelques animaux eurent présenté leurs danses, tous les regards se tournèrent avec espoir vers l’agile et magnifique Mme Léoparde.
« Attendez Mme Kangourou, » murmuraient certains. « Elle est vraiment extraordinaire. »
Mme Kangourou s’avança alors, un sourire confiant illuminant son visage. Elle était, en effet, impressionnante. Elle se redressa fièrement, sauta de haut en bas avec une grande légèreté, puis tenta un saut prodigieux… sans prêter attention à l’endroit où elle atterrissait. Dans un grand plouf, elle plongea directement dans l’étang aux nénuphars !
Une partie du public détourna les yeux, gênée par l’accident, tandis que les singes, perchés sur les branches, éclatèrent de rire en se moquant bruyamment de la pauvre Mme Kangourou.
« Madame Éléphante ! Madame Éléphante ! » s’écrièrent soudain tous les animaux en chœur. « Oui, oui, Madame Éléphante ! » Les acclamations fusaient de toutes parts. Après l’échec spectaculaire de Mme Kangourou, tout le monde reporta ses espoirs sur Mme Éléphante, l’encourageant avec ferveur.
Mme Éléphante, pourtant, restait humble. Elle portait une robe lisse et simple, ornée de deux feuilles de palmier derrière les oreilles, reliées par un élégant ruban de fleurs de lune. Elle avait l’air royal. « Comme elle est devenue mince ! Comment a-t-elle fait ? » murmuraient les animaux.
Puis, avec grâce, Mme Éléphante se mit à danser.
L’orchestre entama la marche des éléphants, mais, à sa demande, M. Grenouille troqua la mélodie pour un air léger à la flûte. Mme Éléphante commença à bouger, balançant ses pattes une à une avec raffinement, tout en effectuant les plus gracieuses courbettes. Elle agitait doucement ses grandes oreilles et enroulait sa trompe avec art au rythme de la musique.
Sa danse était si belle que Mme Quida, elle-même, déclara que c’était une majestueuse dance.
Quand Mme Éléphante eut complètement captivé son public, la musique changea pour un air plus joyeux et entraînant. Avec grâce, elle dansa jusqu’au bord de la scène, se tourna vers les animaux et leur demanda de chanter avec elle le refrain enjoué. Tous, petits et grands, entonnèrent la chanson avec enthousiasme, leurs voix résonnant dans toute la clairière.
Évidemment, ce fut Mme Éléphante qui remporta le prix. Après avoir reçu l’honneur, elle se tourna vers l’assistance et, de sa voix douce et posée, déclara : « Continuez à vous entraîner, chers amis. Je ne danserai plus, mais je voulais juste, à mon âge avancé, prouver que je pouvais encore accomplir quelque chose. Souvenez-vous toujours : avec de la détermination, vous pouvez aller n’importe où. »